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Fake news : un phénomène sociétal

Tribune d'expert / 15 septembre 2019

On les appelle les « fake news », « rumeurs » ou encore « intox ». Depuis toujours les « fake news » sont omniprésentes dans le monde de la politique notamment depuis l’élection présidentielle américaine de 2016. La désinformation et la contre-information ont toujours été des pratiques récurrentes dans le monde politique, « gouverner, c’est faire croire », écrivait Machiavel il y a cinq cents ans. Aujourd’hui, elles sont partout, que ce soit dans la parodie, les mensonges, les détournements de contexte, les manipulations ou tout simplement les inventions. Elles font partie de notre quotidien et c’est un défi de tous les jours de pouvoir les déjouer.

Mais qu’en est-il de l’impact sur les marques ? 

Et dans le monde de l’entreprise, ça donne quoi ? A l’ère des réseaux sociaux, les fausses informations se propagent plus rapidement, selon des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology), les vraies informations prennent six fois plus de temps que les fausses pour atteindre 1 500 personnes d’après leurs analyses.

Les fake news sont devenues un réel sujet dans notre quotidien, sur les réseaux sociaux, dans les médias et dans le monde de l’entreprise.

Voici un rapide aperçu avec quelques exemples chez l’annonceur : Starbucks a été victime du faux « Dreamer Day », où l’enseigne promettait d’offrir des boissons dans ses établissements aux personnes sans papiers qui entraient clandestinement aux Etats-Unis.

Pour mieux duper les consommateurs, le visuel – ou plutôt le photomontage – qui accompagnait le tweet utilisait à l’identique les codes habituels de la marque : logo, typographie, couleurs et utilisation du hashtag #Borderfreecoffee.

A la suite de nombreuses réactions des internautes, le groupe américain a tenté de réagir en expliquant que le groupe n’offrait pas de café aux personnes sans papiers.

Si la polémique n’a duré que quelques heures, elle a été largement reprise sur les réseaux sociaux.

Puis, c’est au tour de Netflix en février dernier, de faire face aux rumeurs. La plateforme de streaming est accusée d’avoir contacté un abonné qui aurait regardé 188 épisodes de sa série préférée pendant une semaine, soit 10 heures de visionnage par jour ! L’entreprise a immédiatement envoyé un démenti : « Netflix ne prend pas l’initiative de contacter ses utilisateurs pour vérifier qu’ils se portent bien en se basant sur leurs habitudes de consommation ». Comme dans le milieu politique, ces qu’en-dira-t-on se propage très vite et il peut être compliqué d’identifier les individus qui en sont à l’origine.

Prenons également le cas de l’entreprise Nutella du groupe Ferrero, vous avez certainement tous entendu de loin ou de près la fameuse réduction de prix sur les pots de Nutella : -70%, il faut dire que c’est tentant …

Cette nouvelle avait d’ailleurs créé une véritable émeute dans les magasins et certaines bousculades avait été publiées sur les réseaux sociaux par les clients. Les « fakeurs » ont sauté sur l’occasion de cet engouement pour annoncer que Ferrero rappelle 625 000 pots de Nutella contaminés au lait de Lactalis et que les acquéreurs de ces pots devront tout rendre :  Ceux d’entre-vous qui ont réussi à bénéficier de la promotion Nutella vont devoir tout rendre », peut-on lire dans un article largement partagé sur Facebook.

Le groupe Ferrero a officiellement démenti la rumeur via ses comptes officiels Facebook et Twitter. L’article en question a été publié sur un site qui s’appelle Secret news.

Cependant, il suffit de scroller en bas de la page de l’article pour lire : « Toutes les informations présentes sur ce site sont satiriques et/ou parodiques ».

La chaîne de magasins de beauté américaine Ulta Beauty a également été confrontée à une « Fake news ». En effet, un site a publié un faux rapport qui explique que les magasins du groupe allait fermer après son rachat par l’enseigne Sephora et que tous les produits allaient être bradés. Il s’agit bien d’une fausse information, l’article a été partagé via Facebook plus de 96 000 fois avant que le groupe réagisse et empêche la rumeur de se propager davantage. On vous laisse imaginer la tête des gens qui ont eu droit à cette mauvaise surprise en arrivant devant le magasin, persuadés de faire l’affaire du siècle …

Ici, c’est au tour de North Face qui en voulant « hacker » Wikipédia a fait face à un véritable bad buzz. En avril, la célèbre marque dévoile une vidéo promotionnelle intitulée « Top of Images ». L’idée initiale est assez claire : lorsque l’on cherche une destination de voyage, notre premier réflexe est de la chercher sur Google. Une fois la recherche effectuée, on se rend sur « Images » du moteur de recherche, afin d’en découvrir davantage sur l’endroit choisi. Le plus souvent, la première photo apparaissant dans les images est issue de l’encyclopédie en ligne Wikipédia.

La marque a édité la page Wikipédia de nombreuses destinations de trek et d’aventures, en remplaçant les photos existantes sur le site par des images prises dans ces mêmes lieux, mais en mettant en avant des produits The North Face. Le label américain a ainsi produit ses propres visuels promotionnels, les a uploadés sur certaines pages Wikipédia, afin de se retrouver en tête des résultats de recherches Google.

Cependant, cette idée n’a pas eu les résultats escomptés : The North Face manque à la fois de respect aux consommateurs et aux millions d’anonymes qui donnent de leur temps pour sans cesse améliorer Wikipédia. Les modérateurs ont supprimé tous les clichés de la marque. Un organisme directement rattaché à l’encyclopédie en ligne, s’est exprimé sur cette opération : « Mettre en ligne un contenu dont le seul but est de promouvoir une entreprise ou ses produits est contraire à l’esprit, au but et aux règles de Wikipédia. Nous avons toujours cherché à offrir des informations neutres et sourcées au monde entier. The North Face vient encore de prouver que les grandes corporations n’ont absolument aucun scrupule à manipuler le grand public.”

Ou quand les réactions aux fake news sont devenues tellement épidermiques qu’on ne peut en jouer.

Dans ces nombreux cas, on peut se demander : est-ce que les fake news ont un impact sur le chiffre d’affaires d’une entreprise ? A quel moment faut-il réagir ? Et quels sont les moyens à utiliser pour éviter que la rumeur se propage trop rapidement ? Est-ce qu’une entreprise doit réagir ou tout simplement se taire ?

Comme on peut le constater, les fakes news peuvent prendre différentes formes : relayées en articles, images ou vidéos conçues par des sites spécialisés…  puis s’ajoutent à cela les réseaux sociaux où les rumeurs prennent très vite une importante dimension.

Pour l’annonceur, il semblerait que la solution la plus efficace pour lutter contre les fake news consiste dans un premier temps à apporter un démenti formel. Le timing est très important : il est primordial de ne pas laisser la rumeur se propager, il faut donc réagir vite !

Comment se protéger face aux fake news ?

Les réseaux sociaux luttent aujourd’hui et plus que jamais contre ce type d’information.

Il y a quelques mois, Facebook a supprimé plusieurs pages de propagandes liées à l’Iran et Israël. En effet, la plateforme a fermé 265 pages Facebook et Instagram pour désinformation à ce sujet. Ce mouvement venant d’Israël se serait propagé par la suite au Nigeria, au Sénégal, au Togo, à l’Angola, au Niger à la Tunisie, ainsi qu’en Amérique latine et en Asie du Sud-Est.

D’après le réseau social, l’organisation responsable aurait utilisé de faux comptes pour diffuser du contenu avec de mauvaises informations. Facebook a réussi à démanteler ce réseau qui porte le nom d’Archimède. Ce dernier est évidemment bannie du réseau social. Elle aurait dépensé jusqu’à 726 000 € dans des publicités sur Facebook payées en shekels israéliens et en dollars américains.

Pour se protéger de cette montée de fausses rumeurs, Twitter annonce l’acquisition de la start-up britannique Fabula AI, une société qui développe des algorithmes d’intelligence artificielle capables d’identifier des fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux.

Pour la plateforme sociale, le but de cet achat est de progresser dans le tri des informations présentes sur la plateforme. L’entreprise déclare vouloir « améliorer la qualité de la conversation » et « aider les gens à se sentir en sécurité sur Twitter ».

En France, les politiques, souvent exposés à ce genre de polémique, ont voté une proposition de loi contre « la manipulation de l’information » en période électorale. Cette loi permet à un candidat ou à un parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de fausses informations. Les propositions de cette loi imposent également aux différentes plateformes numériques (Facebook, Twitter …) des obligations de transparence quand elles diffusent du contenu contre rémunération.

Même si cette loi ne convient pas à tous les élus et fait, par conséquent, beaucoup parler d’elle, de nombreuses personnes sont convaincues qu’il est aujourd’hui primordial de réguler les fake news. Les fausses informations se sont multipliées ces derniers temps sur les réseaux sociaux depuis le début du mouvement des gilets jaunes.

Les américains sont davantage exposés à l’ampleur de ces fausses informations.

Pour faire face à cela, certaines entreprises américaines ont pris leurs dispositions. De nombreuses sociétés spécialisées dans l’e-réputation aux Etats-Unis font peu à peu leur apparition comme Storyful ou Weber Shandwick, spécialisée dans la gestion des situations de crise. L’un des derniers exemples les plus emblématiques est celui de Breibart News, le site lancé par Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump. 

Ainsi, nous pouvons nous interroger sur l’évolution des fake news notamment en France, qui reste davantage frileuse à gérer ce type de rumeurs : phénomène sociétal éphémère ou réel virus à longue durée ?

Les entreprises qui accompagnent dans la gestion des fake news sont-elles également susceptibles de davantage se développer en France ?  La solution réside-t-elle dans l’éducation comme par exemple des cours qui apprendraient à dissocier les fake news des vraies informations ?

Par Camille Bellorini, consultante social media et influence au sein de l'agence Disko

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